L’impressionnisme en Bretagne

Claude Monet en Bretagne

En septembre 1886, Claude Monet voyage jusqu’en Bretagne à la recherche de sujets nouveaux. Il pose son chevalet à Belle-Île-en-Mer pour un séjour de deux mois. Circulant de Goulphar à Port-Coton ou à Port-Domois, il réalise 39 peintures représentant la côte découpée de l’île, comme Les Rochers de Belle-Île, la Côte sauvage (1886, musée d’Orsay). Monet choisit volontairement de travailler dans un paysage rocheux, difficile à saisir, voire dangereux : il peint en plein air, au bord des falaises, sous le vent et la pluie d’une tempête d’automne.

Dans ces conditions, il parvient à renouveler sa touche et élargit sa palette. L’œuvre, à l’horizon haut, aux couleurs vertes, bleues et violettes, est exécutée avec une touche rapide et vibrante, marquant un changement radical dans l’art du peintre qui s’adapte au paysage grandiose qu’il découvre. En 1887, il présente ses toiles à la galerie Georges Petit, à Paris, lors d’une exposition couronnée de succès.

  • Claude Monet
  • Rochers de Belle-Ile, la Côte sauvage, 1886.
  • Huile sur toile, 65,5 x 81,5 cm
    Paris, musée d’Orsay, legs Gustave Caillebotte, 1894


L’École de Pont-Aven

Cherchant à s’éloigner de la capitale et d’une civilisation qu’il juge corrumpue, Paul Gauguin découvre lui aussi la Bretagne en 1886. Il s’établit à Pont-Aven de juillet à octobre. Après avoir participé activement aux expositions impressionnistes, Gauguin rassemble autour de lui un nouveau groupe de peintres, qui adoptera notamment le nom de « synthétistes ».

Ils créent l’École de Pont-Aven. Parmi eux, Émile Bernard et Paul Sérusier théorisent avec Gauguin les fondements de ce nouveau mouvement qui se veut différent de l’impressionnisme : les artistes visent la pureté de la ligne, de la couleur et de la forme. Leurs œuvres ont un aspect volontairement plus décoratif, avec un dessin plus présent et des teintes saturées, appliquées en aplats et soulignées de cernes, telles qu’on peut les voir dans Sur la plage de Bretagne (Paul Gauguin, 1889, Oslo, Nasjonalmuseet for Kunst). À partir de 1889, Gauguin préfèrera à l’animation de Pont-Aven le calme du Pouldu, « le premier de ses Tahitis », selon l’écrivain Charles Chassé.

  • Paul Gauguin
  • Sur la plage de Bretagne, 1889.
  • Oslo, Nasjonalmuseet for Kunst, Arkitektur og Design, NG.M.01007

La « Seconde génération impressionniste »

Ainsi, deux des figures majeures de l’art moderne séjournent et s’approprient chacune à leur manière la Bretagne, ses paysages et ses traditions. Leurs œuvres fascinent la jeune génération des peintres bretons. Maxime Maufra et Henry Moret, qui fréquentent et sont influencés par Gauguin à la fin des années 1880, suivent chacun leur propre voie après le départ de leur mentor pour Tahiti, en 1891. Le premier s’installe à Kerhostin (Quiberon, Morbihan) en 1903, l’autre choisit Doëlan (Clohars-Carnoët, Finistère) dès 1894.

Cependant, ils manifestent dès leurs débuts leur esprit d’indépendance, et créent dans leurs tableaux une forme de synthèse entre l’impressionnisme et le synthétisme. Le Figaro dit en 1896 :

M. Maxime Maufra est un des paysagistes les plus robustes et le plus originaux qui se soient fait connaître en ces derniers temps. Il n’appartient à aucune école, et l’excellent dans son originalité c’est qu’elle est faite de simplicité.

Si la majorité des œuvres de Maufra et Moret présentées dans l’exposition L’Impressionnisme et la mer sont datées autour de 1900 et montrent donc un style plus proche de l’impressionnisme, on remarque cependant la singularité de La Plage du Pouldu, rivage breton à marée basse. Finistère (1891, Giverny, musée des impressionnismes). Cette œuvre, récemment acquise par le musée, semble mélanger à la fois le style rapide, témoin d’une exécution en plein-air, de Claude Monet, et les couleurs saturées et posées en aplat de Paul Gauguin.

  • Maxime Maufra
  • La Plage du Pouldu, rivage breton à marée basse. Finistère, 1891.
  • Huile sur toile, 41,2 x 57,2 cm
    Giverny, musée des impressionnismes

Néanmoins, à la fin de leurs carrières, ils seront désignés comme la « Seconde génération impressionniste », notamment grâce à Paul Durand-Ruel, le marchand de Claude Monet et ses amis, qui repère Maxime Maufra, Henry Moret, ainsi que d’autres postimpressionnistes qu’il prend sous son aile.

Émile Bernard dira plus tard au sujet d’Henry Moret :

Il avait tourné de notre recherche synthétique à l’école de plein air de Monet et celui fut pour moi une surprise . J’estimais beaucoup ce qu’il apportait… Quand, après onze ans d’absence, je vis ses toiles chez Durand-Ruel, je lui rendis justice. Loin d’avoir affaibli son talent, il l’avait fortifié, loin des théories, à la vie même, à la nature.