La Grande Vallée IX de Joan Mitchell
Joan Mitchell (1925-1992)
La Grande Vallée IX, 1983 – 1984
Une Américaine à Vétheuil
Figure majeure de l’art abstrait américain, Joan Mitchell est formée à l’Art Institute de Chicago. A New York, où elle s’installe en 1949. Influencée par Jackson Pollock et William de Kooning, aux côtés desquels elle travaille et expose pendant les années 50, elle devient l’un des représentants singuliers de la seconde génération de l’expressionnisme abstrait. Sa peinture, gestuelle et rythmée, est ancrée dans ses émotions et ses souvenirs, qu’elle capture sous forme de lignes et de surfaces colorées.
En 1955, elle fait la connaissance, dans un café de Saint-Germain-des-Prés, du peintre québécois Jean-Paul Riopelle, avec lequel elle entretient une relation passionnée pendant plusieurs années. Mitchell choisit de s’installer à Paris en 1959. En 1967, elle achète une maison à Vétheuil, à seulement quelques kilomètres de Giverny. Les deux villages ont joué un rôle clé dans le développement de l’art de Claude Monet. La maison que l’artiste américaine a occupée est d’ailleurs toute proche de celle où Monet a résidé quelques années, de 1878 à 1881, avant de s’établir à Giverny.
Le refuge de l’enfance
Le diptyque de La Grande Vallée IX fait partie d’un cycle de seize peintures, initié en 1983. Mitchell est alors marquée par le deuil et le souvenir de sa sœur Sally, disparue l’année précédente. Le titre évoque un lieu qu’elle n’a jamais vu, un souvenir que lui a raconté son amie, la compositrice Gisèle Barreau. Enfant, celle-ci avait passé des journées entières dans ce lieu protégé, peuplé d’oiseaux, de grenouilles et d’insectes, et dont les herbes et les fleurs sauvages offraient à son regard une splendeur sans cesse renouvelée.
La Grande Vallée IX plonge le spectateur dans une œuvre immersive. Les grands mouvements circulaires des jaunes renvoient à la végétation des arbres tandis que les larges touches de bleu et de violet laissent deviner le ciel ou l’eau. L’abstraction crée un espace fuyant qui rappelle la peinture tardive de Monet.
Joan Mitchell a toujours refusé que ses peintures soient comparées à l’œuvre de Monet. Elle avait pourtant en commun avec lui l’observation incessante de la nature, l’intérêt optique pour la couleur et la lumière, et la mise au point d’une surface picturale monumentale sans point de fuite.
Elle évoquait ainsi sa peinture : « Je ne pense pas les changements de la peinture en termes de changements d’humeur… Dans ma peinture, il n’est pas plus question de changements d’humeur. Cela regarderait la psychologie. Ce qui importe, c’est là où ce bleu est en relation avec ce rouge.»
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